Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/177

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sautillant qui lui était familier, Alicia se tenait debout devant Paul comme pour provoquer et défier son examen.

« N’est-ce pas, ajouta le commodore, qu’elle est robuste à présent et superbe comme ces filles de Procida qui portent des amphores grecques sur la tête ?

— Assurément, commodore, répondit Paul ; miss Alicia n’est pas devenue plus belle, c’était impossible, mais elle est visiblement en meilleure santé que lorsque, par coquetterie, à ce qu’elle prétend, elle m’a imposé cette pénible séparation. »

Et son regard s’arrêtait avec une fixité étrange sur la jeune fille posée devant lui.

Soudain les jolies couleurs roses qu’elle se vantait d’avoir conquises disparurent des joues d’Alicia, comme la rougeur du soir quitte les joues de neige de la montagne quand le soleil s’enfonce à l’horizon ; toute tremblante, elle porta la main à son cœur ; sa bouche charmante et pâlie se contracta.

Paul alarmé se leva, ainsi que le commodore ; les vives couleurs d’Alicia avaient reparu ; elle souriait avec un peu d’effort.

« Je vous ai promis une tasse de thé ou un sorbet ; quoique Anglaise, je vous conseille le sorbet. La neige vaut mieux que l’eau chaude, dans ce pays voisin de l’Afrique, et où le sirocco arrive en droite ligne. »