Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/179

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III


L’ami d’Alicia revint à l’hôtel de Rome par le même chemin : la beauté de la soirée était incomparable ; une lune pure et brillante versait sur l’eau d’un azur diaphane une longue traînée de paillettes d’argent dont le fourmillement perpétuel, causé par le clapotis des vagues, multipliait l’éclat. Au large, les barques de pêcheurs, portant à la proue un fanal de fer rempli d’étoupes enflammées, piquaient la mer d’étoiles rouges et traînaient après elles des sillages écarlates ; la fumée du Vésuve, blanche le jour, s’était changée en colonne lumineuse et jetait aussi son reflet sur le golfe. En ce moment la baie présentait cet aspect invraisemblable pour des yeux septentrionaux et que lui donnent ces gouaches italiennes encadrées de noir, si répandues il y a quelques années, et plus fidèles qu’on ne pense dans leur exagération crue.

Quelques lazzaroni noctambules vaguaient encore sur la rive, émus, sans le savoir, de ce spectacle magique, et plongeaient leurs grands yeux noirs dans l’étendue bleuâtre. D’autres,