Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

retrouver dans sa chambre où tremblotait, avec un reflet d’opale, une veilleuse illuminant une petite tour de porcelaine qu’assiégeaient les moustiques en bourdonnant. Pour ne pas retomber sous le coup de ce rêve pénible, Paul lutta contre le sommeil et se mit à penser aux commencements de sa liaison avec miss Alicia, reprenant une à une toutes ces scènes puérilement charmantes d’un premier amour.

Il revit la maison de briques roses, tapissée d’églantiers et de chèvrefeuilles, qu’habitait à Richmond miss Alicia avec son oncle, et où l’avait introduit, à son premier voyage en Angleterre, une de ces lettres de recommandation dont l’effet se borne ordinairement à une invitation à dîner. Il se rappela la robe blanche de mousseline des Indes, ornée d’un simple ruban, qu’Alicia, sortie la veille de pension, portait ce jour-là, et la branche de jasmin qui roulait dans la cascade de ses cheveux comme une fleur de la couronne d’Ophélie, emportée par le courant, et ses yeux d’un bleu de velours, et sa bouche un peu entr’ouverte, laissant entrevoir de petites dents de nacre, et son col frêle qui s’allongeait comme celui d’un oiseau attentif, et ses rougeurs soudaines lorsque le regard du jeune gentleman français rencontrait le sien.

Le parloir à boiseries brunes, à tentures de drap vert, orné de gravures de chasse au renard et de steeple-chases coloriés des tons tranchants