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cigales grinçaient en chœur sous les buissons d’alentour.

Le commodore, en costume de planteur et assis sur un fauteuil de jonc, tirait à temps égaux la corde qui mettait le hamac en mouvement.

Un troisième personnage complétait le groupe : c’était le comte Altavilla, jeune élégant napolitain dont la présence amena sur le front de Paul cette contraction qui donnait à sa physionomie une expression de méchanceté diabolique.

Le comte était, en effet, un de ces hommes qu’on ne voit pas volontiers auprès d’une femme qu’on aime. Sa haute taille avait des proportions parfaites ; des cheveux noirs comme le jais, massés par des touffes abondantes, accompagnaient son front uni et bien coupé ; une étincelle du soleil de Naples scintillait dans ses yeux, et ses dents larges et fortes, mais pures comme des perles, paraissaient encore avoir plus d’éclat à cause du rouge vif de ses lèvres et de la nuance olivâtre de son teint. La seule critique qu’un goût méticuleux eût pu formuler contre le comte, c’est qu’il était trop beau.

Quant à ses habits, Altavilla les faisait venir de Londres, et le dandy le plus sévère eût approuvé sa tenue. Il n’y avait d’italien dans toute sa toilette que des boutons de chemise d’un trop grand prix. Là le goût bien naturel de l’enfant du Midi pour les joyaux se trahissait. Peut-être aussi que partout ailleurs qu’à Naples on eût re-