arrachait une fleur d’une jardinière placée près de lui et la jetait de façon à couper l’effluve de l’œillade irritée.
« Qu’avez-vous donc à fourrager ainsi ma jardinière ? s’écria miss Alicia Ward qui s’aperçut de ce manège. Que vous ont fait mes fleurs pour les décapiter ?
— Oh ! rien, miss ; c’est un tic involontaire, répondit Altavilla en coupant de l’ongle une rose superbe qu’il envoya rejoindre les autres.
— Vous m’agacez horriblement, dit Alicia ; et sans le savoir vous choquez une de mes manies. Je n’ai jamais cueilli une fleur. Un bouquet m’inspire une sorte d’épouvante : ce sont des fleurs mortes, des cadavres de roses, de verveines ou de pervenches, dont le parfum a pour moi quelque chose de sépulcral.
— Pour expier les meurtres que je viens de commettre, dit le comte Altavilla en s’inclinant, je vous enverrai cent corbeilles de fleurs vivantes. »
Paul s’était levé, et d’un air contraint tortillait le bord de son chapeau comme minutant une sortie.
« Quoi ! vous partez déjà ? dit miss Ward.
— J’ai des lettres à écrire, des lettres importantes.
— Oh ! le vilain mot que vous venez de prononcer là ! dit la jeune fille avec une petite moue ; est-ce qu’il y a des lettres importantes quand ce n’est pas à moi que vous écrivez ?