Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/200

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récompense généreusement, afin de diminuer l’humiliation.

— Je ne suis pas humilié de conduire un forestiere dans ma voiture ; je ne fais pas, comme toi, métier de bête de somme, Timberio.

— Est-ce que je ne suis pas baptisé aussi bien que toi ? répliqua le portefaix en fronçant le sourcil et en fermant les poings.

— Laissez parler Timberio, s’écria en chœur l’assemblée, qui craignait de voir cette dissertation intéressante tourner en dispute.

— Vous m’accorderez, reprit l’orateur calmé, qu’il faisait un temps superbe lorsque le Léopold est entré dans le port ?

— On vous l’accorde, Timberio, fit le chef avec une majesté condescendante.

— La mer était unie comme une glace, continua le facchino, et pourtant une vague énorme a secoué si rudement la barque de Gennaro qu’il est tombé à l’eau avec deux ou trois de ses camarades. — Est-ce naturel ? Gennaro a le pied marin cependant, et il danserait la tarentelle sans balancier sur une vergue.

— Il avait peut-être bu un fiasque d’Asprino de trop, objecta Scazziga, le rationaliste de l’assemblée.

— Pas même un verre de limonade, poursuivit Timberio ; mais il y avait à bord du bateau à vapeur un monsieur qui le regardait d’une certaine manière, — vous m’entendez !