Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/225

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son milieu naturel, préparé à la crédulité par une foule de petits incidents, il le lut avec une secrète horreur, comme un profane épelant sur un grimoire des évocations d’esprits et des formules de cabbale. Quoiqu’il n’eût pas cherché à les pénétrer, les secrets de l’enfer se révélaient à lui ; il ne pouvait plus s’empêcher de les savoir, et il avait maintenant la conscience de son pouvoir fatal ; il était jettatore ! Il fallait bien en convenir vis-à-vis de lui-même : tous les signes distinctifs décrits par Valetta, il les possédait.

Quelquefois il arrive qu’un homme qui jusque-là s’était cru doué d’une santé parfaite, ouvre par hasard ou par distraction un livre de médecine, et, en lisant la description pathologique d’une maladie, s’en reconnaisse atteint ; éclairé par une lueur fatale, il sent à chaque symptôme rapporté tressaillir douloureusement en lui quelque organe obscur, quelque fibre cachée dont le jeu lui échappait, et il pâlit en comprenant si prochaine une mort qu’il croyait bien éloignée. — Paul éprouva un effet analogue.

Il se mit devant une glace et se regarda avec une intensité effrayante : cette perfection disparate, composée de beautés qui ne se trouvent pas ordinairement ensemble, le faisait plus que jamais ressembler à l’archange déchu, et rayonnait sinistrement dans le fond noir du miroir ; les fibrilles de ses prunelles se tordaient comme des vipères convulsives ; ses sourcils vibraient