Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/256

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bre en cachemire blanc, tourna une écharpe de gaze autour de sa tête, — car, malgré la chaleur qui faisait crier les cigales, elle était encore un peu frileuse, — et se rendit sur la terrasse à l’heure accoutumée, pour ne pas éveiller la sollicitude toujours aux aguets du commodore. Elle toucha du bout de ses lèvres au déjeuner, bien qu’elle n’eût pas faim, mais le moindre indice de malaise n’eût pas manqué d’être attribué à l’influence de Paul par sir Joshua Ward, et c’est ce qu’Alicia voulait éviter avant toute chose.

Puis, sous prétexte que l’éclatante lumière du jour la fatiguait, elle se retira dans sa chambre, non sans avoir réitéré plusieurs fois au commodore, soupçonneux en pareille matière, l’assurance qu’elle se portait à ravir.

« À ravir… J’en doute, se dit le commodore à lui-même lorsque sa nièce s’en fut allée. — Elle avait des tons nacrés près de l’œil, de petites couleurs vives au haut des joues, — juste comme sa pauvre mère, qui, elle aussi, prétendait ne s’être jamais mieux portée. — Que faire ? Lui ôter Paul, ce serait la tuer d’une autre manière ; laissons agir la nature. Alicia est si jeune ! Oui, mais c’est aux plus jeunes et aux plus belles que la vieille Mob en veut ; elle est jalouse comme une femme. Si je faisais venir un docteur ? mais que peut la médecine sur un ange ? Pourtant tous les symptômes fâcheux avaient disparu… Ah ! si c’était toi, damné Paul,