Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/272

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n’était qu’un jettatore, comme l’affirmait le comte Altavilla, et, prise d’une angélique pitié, elle ne le repoussait pas !

« Oui, se disait-il, ce Napolitain, ce beau comte qu’elle dédaigne, est véritablement amoureux. Sa passion fait honte à la mienne : pour sauver Alicia, il n’a pas craint de m’attaquer, de me provoquer, moi, un jettatore, c’est-à-dire, dans ses idées, un être aussi redoutable qu’un démon. Tout en me parlant, il jouait avec ses amulettes, et le regard de ce duelliste célèbre qui a couché trois hommes sur le carreau, se baissait devant le mien ! »

Rentré à l’hôtel de Rome, Paul écrivit quelques lettres, fit un testament par lequel il laissait à miss Alicia Ward tout ce qu’il possédait, sauf un legs pour Paddy, et prit les dispositions indispensables à un galant homme qui doit avoir un duel à mort le lendemain.

Il ouvrit les boîtes de palissandre où ses armes étaient renfermées dans les compartiments garnis de serge verte, remua épées, pistolets, couteaux de chasse, et trouva enfin deux stylets corses parfaitement pareils qu’il avait achetés pour en faire don à des amis.

C’étaient deux lames de pur acier, épaisses près du manche, tranchantes des deux côtés vers la pointe, damasquinées, curieusement terribles et montées avec soin. Paul choisit aussi trois foulards et fit du tout un paquet.