Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/30

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le canapé de jonc ; jamais elle ne m’avait paru si belle ; son corps nonchalant, alangui par la chaleur, baignait comme celui d’une nymphe marine dans l’écume blanche d’un ample peignoir de mousseline des Indes que bordait du haut en bas une garniture bouillonnée comme la frange d’argent d’une vague ; une broche en acier niellé du Khorassan fermait à la poitrine cette robe aussi légère que la draperie qui voltige autour de la Victoire rattachant sa sandale. Des manches ouvertes à partir de la saignée, comme les pistils du calice d’une fleur, sortaient ses bras d’un ton plus pur que celui de l’albâtre où les statuaires florentins taillent des copies de statues antiques ; un large ruban noir noué à la ceinture, et dont les bouts retombaient, tranchait vigoureusement sur toute cette blancheur. Ce que ce contraste de nuances attribuées au deuil aurait pu avoir de triste, était égayé par le bec d’une petite pantoufle circassienne sans quartier en maroquin bleu, gaufrée d’arabesques jaunes, qui pointait sous le dernier pli de la mousseline.

« Les cheveux blonds de la comtesse, dont les bandeaux bouffants, comme s’ils eussent été soulevés par un souffle, découvraient son front pur et ses tempes transparentes formaient comme un nimbe, où la lumière pétillait en étincelles d’or.

« Près d’elle, sur une chaise, palpitait au vent