Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/326

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donné de vivre quelques heures dans un siècle disparu, il ne perdrait pas son temps à chercher la solution d’un problème incompréhensible, et il continua bravement sa route, en regardant à droite et à gauche ce spectacle si vieux et si nouveau pour lui. Mais à quelle époque de la vie de Pompeï était-il transporté ? Une inscription d’édilité, gravée sur une muraille, lui apprit, par le nom des personnages publics, qu’on était au commencement du règne de Titus, — soit en l’an 79 de notre ère. — Une idée subite traversa l’âme d’Octavien ; la femme dont il avait admiré l’empreinte au musée de Naples devait être vivante, puisque l’éruption du Vésuve dans laquelle elle avait péri eut lieu le 24 août de cette même année ; il pouvait donc la retrouver, la voir, lui parler… Le désir fou qu’il avait ressenti à l’aspect de cette cendre moulée sur des contours divins allait peut-être se satisfaire, car rien ne devait être impossible à un amour qui avait eu la force de faire reculer le temps et passer deux fois la même heure dans le sablier de l’éternité.

Pendant qu’Octavien se livrait à ces réflexions, de belles jeunes filles se rendaient aux fontaines, soutenant du bout de leurs doigts blancs des urnes en équilibre sur leur tête ; des patriciens en toges blanches bordées de bandes de pourpre, suivis de leur cortège de clients, se dirigeaient vers le forum. Les acheteurs se pressaient autour des boutiques, toutes désignées par des