Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/325

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sionomie différait de celle des paysans d’aujourd’hui comme une médaille diffère d’un sou.

La ville se peuplait graduellement comme un de ces tableaux de diorama, d’abord déserts, et qu’un changement d’éclairage anime de personnages invisibles jusque-là.

Les sentiments qu’éprouvait Octavien avaient changé de nature. Tout à l’heure, dans l’ombre trompeuse de la nuit, il était en proie à ce malaise dont les braves ne se défendent pas, au milieu de circonstances inquiétantes et fantastiques que la raison ne peut expliquer. Sa vague terreur s’était changée en stupéfaction profonde ; il ne pouvait douter, à la netteté de leurs perceptions, du témoignage de ses sens, et cependant ce qu’il voyait était parfaitement incroyable. — Mal convaincu encore, il cherchait par la constatation de petits détails réels à se prouver qu’il n’était pas le jouet d’une hallucination. — Ce n’étaient pas des fantômes qui défilaient sous ses yeux, car la vive lumière du soleil les illuminait avec une réalité irrécusable, et leurs ombres allongées par le matin se projetaient sur les trottoirs et les murailles. — Ne comprenant rien à ce qui lui arrivait, Octavien, ravi au fond de voir un de ses rêves les plus chers accompli, ne résista plus à son aventure ; il se laissa faire à toutes ces merveilles, sans prétendre s’en rendre compte ; il se dit que puisque en vertu d’un pouvoir mystérieux il lui était