Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/340

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sa coupe, était froid comme la peau d’un serpent ou le marbre d’une tombe.

« Oh ! lorsque tu t’es arrêté aux Studj à contempler le morceau de boue durcie qui conserve ma forme, dit Arria Marcella en tournant son long regard humide vers Octavien, et que ta pensée s’est élancée ardemment vers moi, mon âme l’a senti dans ce monde où je flotte invisible pour les yeux grossiers ; la croyance fait le dieu, et l’amour fait la femme. On n’est véritablement morte que quand on n’est plus aimée, ton désir m’a rendu la vie, la puissante évocation de ton cœur a supprimé les distances qui nous séparaient. »

L’idée d’évocation amoureuse qu’exprimait la jeune femme rentrait dans les croyances philosophiques d’Octavien, croyances que nous ne sommes pas loin de partager.

En effet, rien ne meurt, tout existe toujours ; nulle force ne peut anéantir ce qui fut une fois. Toute action, toute parole, toute forme, toute pensée tombée dans l’océan universel des choses y produit des cercles qui vont s’élargissant jusqu’aux confins de l’éternité. La figuration matérielle ne disparaît que pour les regards vulgaires, et les spectres qui s’en détachent peuplent l’infini. Pâris continue d’enlever Hélène dans une région inconnue de l’espace. La galère de Cléopâtre gonfle ses voiles de soie sur l’azur d’un Cydnus idéal. Quelques esprits passionnés