Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/371

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elle s’agenouilla devant Mahmoud-Ben-Ahmed et lui raconta son histoire en fort bons termes : « J’étais esclave dans le sérail du riche Abu-Beker, et j’ai commis la faute de remettre à la sultane favorite un sélam ou lettre de fleurs envoyée par un jeune émir de la plus belle mine avec qui elle entretenait un commerce amoureux. Abu-Beker, ayant surpris le sélam, est entré dans une fureur horrible, a fait enfermer sa sultane favorite dans un sac de cuir avec deux chats, l’a fait jeter à l’eau et m’a condamnée à avoir la tête tranchée. Le Kizlar-agasi fut chargé de cette exécution ; mais, profitant de l’effroi et du désordre qu’avait causés dans le sérail le châtiment terrible infligé à la pauvre Nourmahal, et trouvant ouverte la trappe de la terrasse, je me sauvai. Ma fuite fut aperçue, et bientôt les eunuques noirs, les zebecs et les Albanais au service de mon maître se mirent à ma poursuite. L’un d’eux, Mesrour, dont j’ai toujours repoussé les prétentions, m’a talonnée de si près avec son damas brandi, qu’il a bien manqué de m’atteindre ; une fois même j’ai senti le fil de son sabre effleurer ma peau, et c’est alors que j’ai poussé ce cri terrible que vous avez dû entendre, car je vous avoue que j’ai cru que ma dernière heure était arrivée ; mais Dieu est Dieu et Mahomet est son prophète ; l’ange Asraël n’était pas encore prêt à m’emporter vers le pont d’Al-Sirat. Maintenant je n’ai plus d’espoir qu’en vous.