Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/377

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au manche incrusté de nacre, de burgau et d’ébène, et joua d’abord avec une rare perfection la tarabuca et quelques autres airs arabes.

La justesse de la voix et la douceur de la musique eussent, en toute autre occasion, réjoui Mahmoud-Ben-Ahmed, qui était fort sensible aux agréments des vers et de l’harmonie ; mais il avait le cerveau et le cœur si préoccupés de la dame qu’il avait vue chez Bedredin, qu’il ne fit aucune attention aux chansons de Leila.

Le lendemain, plus heureux que la veille, il rencontra Ayesha dans la boutique de Bedredin. Vous décrire sa joie serait une entreprise impossible ; ceux qui ont été amoureux peuvent seuls la comprendre. Il resta un moment sans voix, sans haleine, un nuage dans les yeux. Ayesha, qui vit son émotion, lui en sut gré et lui adressa la parole avec beaucoup d’affabilité ; car rien ne flatte les personnes de haute naissance comme le trouble qu’elles inspirent. Mahmoud-Ben-Ahmed, revenu à lui, fit tous ses efforts pour être agréable, et comme il était jeune, de belle apparence, qu’il avait étudié la poésie et s’exprimait dans les termes les plus élégants, il crut s’apercevoir qu’il ne déplaisait point, et il s’enhardit à demander un rendez-vous à la princesse dans un lieu plus propice et plus sûr que la boutique de Bedredin.

« Je sais, lui dit-il, que je suis tout au plus bon pour être la poussière de votre chemin, que