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— Vous en parlez comme si vous étiez son contemporain ; quoique vieux, vous ne remontez cependant pas aux pyramides d’Égypte, » lui répondis-je en riant du seuil de la boutique.

Je rentrai chez moi fort content de mon acquisition.

Pour la mettre tout de suite à profit, je posai le pied de la divine princesse Hermonthis sur une liasse de papiers : ébauche de vers, mosaïque indéchiffrable de ratures, articles commencés, lettres oubliées et mises à la poste dans le tiroir, erreur qui arrive souvent aux gens distraits ; l’effet était charmant, bizarre et romantique.

Très satisfait de cet embellissement, je descendis dans la rue, et j’allai me promener avec la gravité convenable et la fierté d’un homme qui a sur tous les passants qu’il coudoie l’avantage ineffable de posséder un morceau de la princesse Hermonthis, fille de Pharaon.

Je trouvai souverainement ridicules tous ceux qui ne possédaient pas, comme moi, un serre-papiers aussi notoirement égyptien ; et la vraie occupation d’un homme sensé me paraissait d’avoir un pied de momie sur son bureau.

Heureusement la rencontre de quelques amis vint me distraire de mon engouement de récent acquéreur ; je m’en allai dîner avec eux, car il m’eût été difficile de dîner avec moi.

Quand je revins le soir, le cerveau marbré de quelques veines de gris de perle, une vague bouf-