Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/444

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fée de parfum oriental me chatouilla délicatement l’appareil olfactif ; la chaleur de la chambre avait attiédi le natrum, le bitume et la myrrhe dans lesquels les paraschites inciseurs de cadavres avaient baigné le corps de la princesse ; c’était un parfum doux quoique pénétrant, un parfum que quatre mille ans n’avaient pu faire évaporer.

Le rêve de l’Égypte était l’éternité : ses odeurs ont la solidité du granit, et durent autant.

Je bus bientôt à pleines gorgées dans la coupe noire du sommeil ; pendant une heure ou deux tout resta opaque, l’oubli et le néant m’inondaient de leurs vagues sombres.

Cependant mon obscurité intellectuelle s’éclaira, les songes commencèrent à m’effleurer de leur vol silencieux.

Les yeux de mon âme s’ouvrirent, et je vis ma chambre telle qu’elle était effectivement : j’aurais pu me croire éveillé, mais une vague perception me disait que je dormais et qu’il allait se passer quelque chose de bizarre.

L’odeur de la myrrhe avait augmenté d’intensité, et je sentais un léger mal de tête que j’attribuais fort raisonnablement à quelques verres de vin de Champagne que nous avions bus aux dieux inconnus et à nos succès futurs.

Je regardais dans ma chambre avec un sentiment d’attente que rien ne justifiait ; les meubles étaient parfaitement en place, la lampe brûlait