Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/460

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l’horizon, et les étoiles commençaient à y ouvrir leurs paupières aux cils d’or ; ces cils, d’une extrême ténuité, s’allongeaient jusque dans la chambre qu’ils remplissaient de gerbes prismatiques.

Quelques lignes noires rayaient cette surface d’azur, et je reconnus bientôt que c’étaient les poutres des étages supérieurs de la maison devenue transparente.

Malgré la facilité que l’on a en rêve d’admettre comme naturelles les choses les plus bizarres, tout ceci commençait à me paraître un peu louche et suspect, et je pensai que si mon camarade Esquiros le Magicien était là, il me donnerait des explications plus satisfaisantes que celles de mon ami Alphonse Karr.

Comme si cette pensée eût eu la puissance d’évocation, Esquiros se présenta soudain devant nous, à peu près comme le barbet de Faust qui sort de derrière le poêle.

Il avait le visage fort animé et l’air triomphant, et il disait, en se frottant les mains :

« Je vois aux antipodes, et j’ai trouvé la mandragore qui parle. »

Cette apparition me surprit, et je dis à Karr :

« Ô Karr ! concevez-vous qu’Esquiros, qui n’était pas là tout à l’heure, soit entré sans qu’on ait ouvert la porte ?

— Rien n’est plus simple, répondit Karr. L’on entre par les portes fermées, c’est l’usage ; il