Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/50

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biles. — J’allais m’éloigner, désespérant d’en tirer quelque chose, lorsque j’entendis un pétillement singulier ; une étincelle bleuâtre passa devant mes yeux avec la fulgurante rapidité d’une lueur électrique, voltigea une seconde sur les lèvres entrouvertes du pénitent, et disparut.

« Brahma-Logum (c’était le nom du saint personnage) sembla se réveiller d’une léthargie : ses prunelles reprirent leur place ; il me regarda avec un regard humain et répondit à mes questions. « Eh bien, tes désirs sont satisfaits : tu as vu une âme. Je suis parvenu à détacher la mienne de mon corps quand il me plaît ; ― elle en sort, elle y rentre comme une abeille lumineuse, perceptible aux yeux seuls des adeptes. J’ai tant jeûné, tant prié, tant médité, je me suis macéré si rigoureusement, que j’ai pu dénouer les liens terrestres qui l’enchaînent, et que Wishnou, le dieu aux dix incarnations, m’a révélé le mot mystérieux qui la guide dans ses Avatars à travers les formes différentes. ― Si, après avoir fait les gestes consacrés, je prononçais ce mot, ton âme s’envolerait pour animer l’homme ou la bête que je lui désignerais. Je te lègue ce secret, que je possède seul maintenant au monde. Je suis bien aise que tu sois venu, car il me tarde de me fondre dans le sein de l’incréé, comme une goutte d’eau dans la mer. » Et le pénitent me chuchota, d’une voix faible