Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/7

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jauni, semblait attendre depuis des mois qu’on l’achevât, et s’étalait comme un muet reproche au milieu du bureau. Quoique habité, l’appartement paraissait désert. La vie en était absente, et en y entrant on recevait à la figure cette bouffée d’air froid qui sort des tombeaux quand on les ouvre.

Dans cette lugubre demeure où jamais une femme n’aventurait le bout de sa bottine, Octave se trouvait plus à l’aise que partout ailleurs, ― ce silence, cette tristesse et cet abandon lui convenaient ; le joyeux tumulte de la vie l’effarouchait, quoiqu’il fît parfois des efforts pour s’y mêler ; mais il revenait plus sombre des mascarades, des parties ou des soupers où ses amis l’entraînaient ; aussi ne luttait-il plus contre cette douleur mystérieuse, et laissait-il aller les jours avec l’indifférence d’un homme qui ne compte pas sur le lendemain. Il ne formait aucun projet, ne croyant plus à l’avenir, et il avait tacitement envoyé à Dieu sa démission de la vie, attendant qu’il l’acceptât. Pourtant, si vous vous imaginiez une figure amaigrie et creusée, un teint terreux, des membres exténués, un grand ravage extérieur, vous vous tromperiez ; tout au plus apercevrait-on quelques meurtrissures de bistre sous les paupières, quelques nuances orangées autour de l’orbite, quelque attendrissement aux tempes sillonnées de veines bleuâtres. Seulement l’étin-