Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/74

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avec une précision remarquable sous une marquise rayée de blanc et de rose.

La cour, qu’Octave-Labinski détailla avec cette rapidité de vision que l’âme acquiert en certaines occasions solennelles, était vaste, entourée de bâtiments symétriques, éclairée par des lampadaires de bronze dont le gaz dardait ses langues blanches dans des fanaux de cristal semblables à ceux qui ornaient autrefois le Bucentaure, et sentait le palais plus que l’hôtel ; des caisses d’orangers dignes de la terrasse de Versailles étaient posées de distance en distance sur la marge d’asphalte qui encadrait comme une bordure le tapis de sable formant le milieu.

Le pauvre amoureux transformé, en mettant le pied sur le seuil, fut obligé de s’arrêter quelques secondes et de poser sa main sur son cœur pour en comprimer les battements. Il avait bien le corps du comte Olaf Labinski, mais il n’en possédait que l’apparence physique ; toutes les notions que contenait cette cervelle s’étaient enfuies avec l’âme du premier propriétaire, ― la maison qui désormais devait être la sienne lui était inconnue, il en ignorait les dispositions intérieures ; ― un escalier se présentait devant lui, il le suivit à tout hasard, sauf à mettre son erreur sur le compte d’une distraction.

Les marches de pierre poncée éclataient de blancheur et faisaient ressortir le rouge opulent de la large bande de moquette retenue par des