Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/102

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ainsi, je serais sûre de la victoire ». ― En effet, elle était irrésistible. Mais comment vaincre un ennemi fuyant et qui ne veut pas combattre ?

Le temps était assez beau pour la saison : quelques losanges d’azur se montraient par les déchiquetures des nuages ; une bise fraîche avait séché les chemins. — Musidora, ordinairement fort indifférente aux variations de la température et qui n’avait pas beaucoup d’occasions de s’apercevoir s’il pleuvait ou s’il faisait beau, ressentit une joie extrême de la sérénité du ciel.

Elle courait par la maison avec une animation extraordinaire, regardant l’heure à toutes les pendules et la direction des girouettes au coin de tous les toits.

Jacinthe, sa fidèle camérière, l’aida à se revêtir d’une élégante amazone bleu de ciel : le chapeau de castor et le voile vert, la cravache de Verdier, le brodequin élégamment cambré, rien n’y manquait.

Musidora, ainsi costumée, avait un petit air délibéré et triomphant le plus charmant du monde ; les grappes de ses cheveux, un peu crêpés pour résister à l’action du vent, encadraient gracieusement ses joues ; sa taille, serrée par le corsage côtelé de l’amazone, sortait souple et frêle de la masse ample et puissante des plis de la jupe ; son pied, si naturellement petit, devenait imperceptible, emprisonné dans l’étroit cothurne.