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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/135

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merveilleuses ; il semblait vouloir lutter de gracieuse hardiesse avec son maître ; on eût dit qu’ils ne faisaient qu’un et que la même volonté les animait tous deux ; car Fortunio n’avait ni éperons ni cravache, et ne tenait pas seulement la bride en main. ― Il guidait sa monture par je ne sais quels mouvements imperceptibles, et il était complètement impossible de voir avec quels moyens il transmettait sa pensée à l’intelligent animal.

Quand il ne fut plus qu’à une cinquantaine de pas de la calèche, il mit son cheval à fond de train et arriva ainsi à un pied de la voiture. Musidora, éperdue, crut qu’il allait se briser contre les roues et poussa un grand cri ; mais Fortunio, par un tour d’adresse familier aux cavaliers arabes, avait arrêté subitement sa monture lancée sur ses quatre jambes, et passé sans transition de la course la plus rapide à l’immobilité la plus complète. ― On eût dit qu’un enchanteur l’avait figé, lui et son cheval. ― Après ce temps d’arrêt, il fit danser un peu son barbe, car c’en était un, à la portière de la calèche, et, au milieu d’une ruade violente, il salua Musidora avec la même grâce et la même aisance que s’il eût eu les deux pieds appuyés sur le solide parquet d’un salon.

« Madame, dit-il, pardonnez à un pauvre sauvage à qui de longues courses dans l’Inde et l’Orient ont fait perdre l’habitude de la galan-