Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/142

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à la cire où voltigeaient sur un fond noir des danseuses antiques, soulevant légèrement le bord de leurs tuniques aériennes, ou arrondissant en l’air leurs bras blancs et frêles comme les anses d’une amphore d’albâtre, et secouant leurs mains chargées de crotales sonores. Jamais Herculanum ni Pompeïa ne virent se découper sur leurs murailles de plus gracieuses silhouettes.

Musidora s’arrêta pour les considérer.

« Ne faites pas attention à ces barbouillages, dit Fortunio en faisant entrer Musidora dans une chambre latérale. ― Avouez, Musidora, que vous vous attendiez à mieux. Vous devez me trouver un assez maigre Sardanapale. Je n’ai offert jusqu’ici à vos yeux que des régals peu chers, mes magnificences asiatiques et babyloniennes sont des plus misérables, et c’est tout au plus si j’atteins à la mediocritas aurea d’Horace ; un ermite pourrait demeurer ici. »

En effet, la pièce dans laquelle il avait conduit Musidora était d’une grande simplicité. ― On n’y voyait d’autres meubles qu’un divan très bas qui en faisait le tour ; les murs, le plafond et le plancher étaient recouverts de nattes d’une extrême finesse, zébrées de dessins éclatants. Des jalousies de joncs de la Chine arrosés d’eau de senteur, qui laissaient transparaître les contours estompés d’un paysage lointain, s’abaissaient sur les fenêtres vitrées de verres blancs historiés de pampres rouges. Au milieu du plafond, dans