Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/160

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ginant pas qu’il en pût être autrement. Sa surprise fut grande lorsqu’il découvrit qu’il existait des gens qui n’avaient pas même trois cent mille livres de rentes.

Comme tous les enfants gâtés, Fortunio devint un homme supérieur ; il avait ses vices, mais il avait aussi ses qualités.

Les instituteurs ordinaires ne veulent pas comprendre que la montagne suppose une vallée, la tour un puits, et toute chose qui brille au soleil une excavation profonde et ténébreuse d’où on l’a tirée.

Rien n’est plus détestable au monde qu’un homme uni et raboté comme une planche, incapable de se faire pendre, et qui n’a pas en lui l’étoffe d’un crime ou deux.

Fortunio était capable de tout, en bien comme en mal, mais sa position était telle qu’il lui était tout à fait inutile de nuire. Du haut de sa richesse il voyait les hommes si petits, qu’il ne daignait pas s’en occuper ; cette noire fourmilière de misérables s’agitant sous ses pieds, et suant toute une année pour gagner à grand’peine ce qu’il avait d’or à dépenser par minute, lui semblait peu digne d’attirer l’attention d’un homme bien né ; il ne comprenait guère la charité ni la philanthropie, mais ses caprices faisaient toujours pleuvoir autour de lui une abondante rosée d’or, et tous ceux qui vivaient dans son ombre devenaient bientôt riches ; ― en