Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/234

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détails d’architecture qui l’auraient enchanté en toute autre occasion ; il jeta à peine un regard distrait sur les madones enluminées, sur les christs qui portent des lanternes au coin des carrefours, les saints de bois ou de cire avec leurs dorloteries et leur clinquant, tous ces emblèmes catholiques si étranges pour un habitant de nos villes voltairiennes. Un autre soin l’occupait : ses yeux cherchaient, à travers les teintes bitumineuses des vitres enfumées, quelque blanche apparition féminine, un bon et calme visage brabançon vermillonné des fraîcheurs de la pêche et souriant dans son auréole de cheveux d’or. Il n’aperçut que des vieille femmes faisant de la dentelle, lisant des livres de prières, ou tapies dans des encoignures et guettant le passage de quelque rare promeneur réfléchi par les glaces de leur espion ou la boule d’acier poli suspendue à la voûte.

Les rues étaient désertes et plus silencieuses que celles de Venise ; l’on n’entendait d’autre bruit que celui des heures sonnant aux carillons des diverses églises sur tous les tons possibles au moins pendant vingt minutes ; les pavés, encadrés d’une frange d’herbe comme ceux des maisons abandonnées, montraient le peu de fréquence et le petit nombre de passants. Rasant le sol comme les hirondelles furtives, quelques femmes, enveloppées discrètement dans les plis sombres de leur faille, filaient à petit bruit le