Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient d’admirables cheveux noirs vernis et brillants comme l’aile du corbeau ; une fort jolie créole vint même s’asseoir près de lui et trempa familièrement ses lèvres dans son verre, suivant la coutume du pays, et essaya de lier conversation avec lui en fort bon espagnol, car elle était de La Havane ; elle avait des yeux d’un noir si velouté, un teint d’une pâleur si chaude et si dorée, un si petit pied, une taille si mince, que Tiburce, exaspéré, l’envoya à tous les diables, ce qui surprit fort la pauvre créature, peu accoutumée à un pareil accueil.

Parfaitement insensible aux perfections brunes des danseuses, Tiburce se retira à son hôtel des Armes du Brabant. Il se déshabilla fort mécontent, et, en s’entortillant de son mieux dans ces serviettes ouvrées qui servent de draps en Flandre, il ne tarda pas à s’endormir du sommeil des justes.

Il fit les rêves les plus blonds du monde.

Les nymphes et les figures allégoriques de la galerie de Médicis dans le déshabillé le plus galant vinrent lui faire une visite nocturne ; elles le regardaient tendrement avec leurs larges prunelles azurées, et lui souriaient, de l’air le plus amical du monde, de leurs lèvres épanouies comme des fleurs rouges dans la blancheur de lait de leurs figures rondes et potelées. — L’une d’elles, la Néréide du tableau du Voyage de la Reine, poussait la familiarité jusqu’à passer dans