Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/284

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cette crainte ; ils avaient des regards ternes, des mines lugubres, et leurs auréoles ne lançaient plus que des lueurs plombées : la lividité de la mort s’était étendue sur cette toile naguère si chaude et si vivace.

Tiburce fut touché de l’expression de suprême tristesse répandue sur la physionomie de la Madeleine, et sa résolution de départ en fut ébranlée. Il aima mieux l’attribuer à une sympathie occulte qu’à un jeu de lumière. – Le temps était gris, la pluie hachait le ciel à fils menus, et un filet de jour trempé d’eau et de brouillard filtrait péniblement à travers les vitres inondées et fouettées par l’aile de la rafale ; cette raison était beaucoup trop plausible pour être admise par Tiburce.

« Ah ! se dit-il à voix basse, — en se servant du vers d’un de nos jeunes poètes,

Comme je t’aimerais demain, si tu vivais !

Pourquoi n’es-tu qu’une ombre impalpable, attachée à jamais aux réseaux de cette toile et captive derrière cette mince couche de vernis ? — Pourquoi as-tu le fantôme de la vie sans pouvoir vivre ? — Que te sert d’être belle, noble et grande, d’avoir dans les yeux la flamme de l’amour terrestre et de l’amour divin, et sur la tête la splendide auréole du repentir, — n’étant qu’un peu d’huile et de couleur étalées d’une certaine manière ? — Ô belle adorée, tourne un peu vers