Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/336

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tait dans la gorge, tomba comme épuisé sur le dossier de sa chaise.

La porte de la chambre s’ouvrit et laissa passer enfin une grosse tête de nègre, ronde, joufflue, et d’autant plus joufflue qu’elle avait les bajoues fort exactement remplies d’une caille au gratin, dérobée à l’office, et dont la déglutition avait été interrompue par les cris forcenés d’Alcindor. C’était Similor, le nègre favori de M. le duc. Par derrière pointait timidement le nez aigu de Giroflée.

« Je crois que petit maître blanc appeler moa noir, dit le nègre Similor d’un ton demi-patelin, demi-effrayé, en tâchant de remuer sa large langue à travers l’épaisse pâtée de pain et de viande qui lui farcissait la bouche.

— Ah ! tu crois, brigand, que je t’appelais ? Je te ferai écorcher vif et retourner comme un vieil habit, pour voir si la doublure de ta peau est aussi noire que l’étoffe. Tiens ! misérable !… » Et le duc, dont la rage s’était ravivée en s’exhalant, prit un flambeau sur la table et le jeta à la tête du nègre. Le flambeau alla droit à une glace qu’il rompit en mille morceaux.

Similor, habitué à ces façons d’agir, se laissa tomber à plat ventre sur le tapis en criant piteusement : « Aïe ! aïe ! aïe ! petit maître, ze suis mort ! » et en faisant des grimaces bouffonnes qui manquaient rarement leur effet : « Le zandelier m’a passé à travers le corps. Ze