Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/448

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Ctésias se retourna ; le plus grand étonnement se peignit sur ses traits à la vue de Bacchide.

« Eh bien ! dit Plangon, c’est Bacchide de Samos ; ne la reconnaissez-vous pas ? Êtes-vous donc aussi oublieux que cela ? Embrasse-la donc ; on dirait que tu ne l’as jamais vue. » Et elle le poussa dans les bras de Bacchide avec un geste impérieux et mutin d’une grâce charmante.

On expliqua tout à Ctésias, qui fut ravi comme vous pensez, car il n’avait jamais cessé d’aimer Bacchide, et son souvenir l’empêchait d’être parfaitement heureux ; si belles que fussent ses amours présentes, il ne pouvait s’empêcher de regretter ses amours passées, et l’idée de faire le malheur d’une femme si accomplie le rendait quelquefois triste au delà de toute expression.

Ctésias, Bacchide et Plangon vécurent ainsi dans l’union la plus parfaite, et menèrent dans leur palais une vie élyséenne digne d’être enviée par les dieux. Personne n’eût pu distinguer laquelle des deux amies préférait Ctésias, et il eût été aussi difficile de dire si Plangon l’aimait mieux que Bacchide, ou Bacchide que Plangon.

La statue d’Aphrodite fut replacée dans la chapelle du jardin, peinte et redorée à neuf. Les vingt génisses blanches à cornes dorées furent religieusement sacrifiées à Mercure, dieu de l’éloquence, et les cent couples de colombes à