Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/543

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se sont évanouis. Non, l’œuvre la plus achevée que le ciel ait donnée à la terre depuis le jour où Prométhée appliqua la flamme sous la mamelle gauche de la statue d’argile, ne peut être tenue ainsi dans l’ombre glaciale du gynécée ! ― Si je mourais, le secret de cette beauté demeurerait donc à jamais enseveli sous les sombres draperies du veuvage ! ― Je me trouve coupable en la cachant comme si j’avais le soleil chez moi et que je l’empêchasse d’éclairer le monde. ― Et quand je pense à ces lignes harmonieuses, à ces divins contours que j’ose à peine effleurer d’un baiser timide, je sens mon cœur près d’éclater, je voudrais qu’un œil ami pût partager mon bonheur et, comme un juge sévère à qui l’on fait voir un tableau, reconnaître après un examen attentif qu’il est irréprochable et que le possesseur n’a pas été trompé par son enthousiasme. ― Oui, souvent, je me suis senti tenté d’écarter d’une main téméraire ces tissus odieux ; mais Nyssia, dans sa chasteté farouche, ne me le pardonnerait pas. Et cependant, je ne puis porter seul une si grande félicité, il me faut un confident de mes extases, un écho qui réponde à mes cris d’admiration, ― et ce sera toi ! »

Ayant dit ces mots, Candaule disparut brusquement par un passage secret. Gygès, resté seul, ne put s’empêcher de faire la remarque du concours d’événements qui semblaient le mettre