Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/560

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dût l’entendre de la chambre, et, pour en comprimer les pulsations, il appuyait sa main sur sa poitrine, et quand Nyssia, avec un mouvement d’une grâce nonchalante, dénoua la ceinture de sa tunique, il crut que ses genoux allaient se dérober sous lui.

Nyssia, ― était-ce un pressentiment instinctif, ou son épiderme entièrement vierge de regards profanes avait-il une susceptibilité magnétique si vive qu’il pût sentir le rayon d’un œil passionné, quoique invisible ? ― Nyssia parut hésiter à dépouiller cette tunique, dernier rempart de sa pudeur. Deux ou trois fois ses épaules, son sein et ses bras nus frémirent avec une contraction nerveuse, comme s’ils eussent été effleurés par l’aile d’un papillon nocturne, ou comme si une lèvre insolente eût osé s’en approcher dans l’ombre.

Enfin, paraissant prendre sa résolution, elle jeta à son tour la tunique, et le blanc poème de son corps divin apparut tout à coup dans sa splendeur, tel que la statue d’une déesse qu’on débarrasse de ses toiles le jour de l’inauguration d’un temple. La lumière glissa en frissonnant de plaisir sur ses formes exquises et les enveloppa d’un baiser timide, profitant d’une occasion, hélas ! bien rare : les rayons éparpillés dans la chambre, dédaignant d’illuminer des urnes d’or, des agrafes de pierreries et des trépieds d’airain, se concentrèrent tous sur Nyssia, laissant les