Aller au contenu

Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre les chrétiens. Notre poëte, enfin, attribue à Charlemagne la conquête de Constantinople, mais non pas celle de la Terre-Sainte.

On va peut-être nous objecter ici que le Roland est véritablement animé par le grand souffle des croisades. À cela nous répondrons que l’esprit des croisades a été, dans la chrétienté du moyen âge, bien antérieur aux croisades elles-mêmes. Et il est trop vrai que le désir ardent de se venger des infidèles a été, durant la seconde moitié du XIe siècle, le sentiment le plus vif et le plus profond de toute la race chrétienne[1].

__________


L’Archéologie ne nous vient guère en aide pour déterminer une date plus exacte. Il faut seulement observer que dans le costume de guerre, tel qu’il est décrit dans le Roland, on ne voit point encore paraître les chausses de mailles. Or l’usage des chausses de mailles a commencé, sans doute, durant la seconde moitié ou le second tiers du XIe siècle. Et l’on en peut voir déjà quelques unes dans la tapisserie de Bayeux. Somme toute, rien de net.

__________


En résumé, il n’est pas certain, mais il est probable que le Roland est antérieur à la première croisade.

C’est toute notre conclusion ;

Et nous souhaitons fort vivement qu’un autre érudit puisse un jour, au milieu de tant d’ombres, arriver à une certitude lumineuse.


VI. – Le Poëte


Comme nous l’avons montré tout à l’heure, l’auteur de la Chanson de Roland est un Normand, et c’est ce qui est presque

  1. Contre l’antiquité du Roland, on pourrait alléguer un nom de lieu (Butentrot) qui se lit au v. 3220 de notre texte. Le « val de Botentrot "est, en effet, célèbre dans l’histoire de la première croisade, et l’on a pu' dire qu’il n’était peut-être pas connu en Occident avant 1098. Mais enfin ce n’est là qu’un « peut-être », et il n’est pas impossible que des pèlerins aient pratiqué ce passage avant la grande expédition des dernières années du XI° siècle. (V. un article de Paul Meyer dans la Romania, VII, p. 333, et notre note du v. 3220.)