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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/29

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mathématiquement prouvé par l’importance exceptionnelle donnée à « saint Michel du Péril ».

Même il se pourrait que ce fût un Avranchinais, à cause du voisinage de ce mont Saint-Michel dont notre poëte fait tant d’estime. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

Quoi qu’il en soit, il est très-probable que ce Normand a vécu de l’autre côté du détroit, et c’est ce que laissent supposer l’origine topographique de notre manuscrit, le mot algier qui est d’étymologie anglo-saxonne, et certaines allusions à l’Angleterre qui ne sont pas sans être empreintes de quelque dédain.

Voilà ce que nous avions dit, et ce que nous devions répéter.

Mais l’auteur de notre poëme est-il réellement ce Turoldus dont il est question dans notre dernier vers : Ci fait la geste que Turoldus declinet ? On ne saurait l’affirmer.

La geste ! Ce mot est employé quatre fois dans notre Chanson, et le poëte en parle toujours comme d’un document historique qu’il a dû consulter et dont il invoque le témoignage au même titre que celui des chartes et des brefs. Ce document, c’était peut-être quelque ancienne Chanson ; ou bien encore quelque Chronique plus ou moins traditionnelle et écrite d’après quelque poëme antérieur. Donc, c’est de cette geste, et non pas de notre poëme, que Turoldus serait l’auteur.

Mais, même en admettant que ce mot « geste » s’applique à notre propre chanson, il faudrait encore expliquer le mot declinet. Or ce mot decliner signifie à la fois « quitter, abandonner, finir une œuvre », et, par extension, « raconter tout au long une histoire, une geste. » La première de ces deux significations a paru la meilleure à quelques critiques. On peut donc admettre qu’un Touroude a « achevé » la Chanson de Roland. Mais est-ce un scribe qui a achevé de la transcrire ? un jongleur qui a achevé de la chanter ? un poëte qui a achevé de la composer ? À tout le moins, il y a doute.

M. Génin, s’appuyant uniquement sur ce fameux dernier vers, attribue notre chanson à un « Theroulde », bénédictin de l’abbaye de Fécamp, auquel le roi Guillaume donna l’abbaye de Malmesbury, qui fut transporté en 1069 à l’abbaye de Peterborough, et qui mourut en 1098. « Si ce n’est lui, c’est son père, » dit M. Génin. Et le père de ce Theroulde fut, en