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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/346

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Chevaliers unt à merveillus esforz ;
En la menur cinquante mille en ont.
3220 La première est de cels de Bulentrot,
Dunt Judas fut ki Deu traïst pur or.
E l’altre après de Micenes as chiefs gros :
Sur les eschines qu’il unt en roi les dos,
Cil sunt seiet ensement cume porc.
E la tierce est de Nubles e de Blos,
3225 E la quarte est de Bruns e d’Esclavoz,
E la quinte est de Sorbres e de Sorz,
E la siste est d’Ermines e de Mors,
E la sedme est de cels de Jericho ;
L’oidme est de Nigres, e la noefme de Gros,
3230 E la disme est de Balide-la-Fort :
Ç’ est une gent ki unkes bien ne volt.
Li Amiralz en juret, quanqu’il poet,
De Mahummet les Vertuz e le cors :
« Carles de France chevalchet cume fols ;
3235 « Bataille i iert, se il ne s’en destolt ;
« Jamais n’avrat el’ chief curune d’or. »Aoi.

3220. Butentrot. M.Paul Meyer (Romania, VII, p. 435) rapproché avec raison notre Butentrot de Butentrot, qui est, avec certaines variantes graphiques, le nom d’une vallée située en Cappadoce, près du Taurus, à l’est d’Eregli, l’ancienne Héraclée. C’est dans la vallée de Butentrot qu’après la bataille de Dorylée, Tancrède et Baudouin, marchant à la tête de l’armée, se séparèrent, le premier se rendant à Tarse par la passe de Gulek-Boghaz (la Pyloe Cilicioe des anciens, le Gouglag- des Arméniens, la PORTA JUDAE d’Albert d’Aix). Sur ce, M. Paul Meyer.cite les Gesta Francorum, où l’on lit : « l’ancredus et Balduinus semel intraverunt vallem de Botentroth » (m, II, Hist. occ. des Croisades, III, 130) ; Raoul de Caen : « Butroti valles » (xxxiv, Hist. occ. des Croisades, III, 630) ; Albert d’Aix : « Per valles Buotentrot" (III, v, Hist. occ. des Croisades, IV, 342) ; la Chanson d’Antioche (éd. P. Paris, I, 166) : « Le val de Botentrot en sont outre passé, » et Guibert de Nogent : «Vallem quam Botemtroth vocitant ca lingua ? (lIl, XIII, Hist. occ. des Croisades, IV, 164.) Il y a plus, Albert d’Aix dit que Tancrède descendit " per valles Buotentrot, PER PORTAM QUAE VOCATUR JUDAS » (1. 1.). Or, dans le ms. de Venise IV, le mot Butintros est suivi de ceux-ci : Don ÇUDEO (1. Çudas) fo que Deo traï à tors (1. per or) ; dans les mss. de Versailles et Venise VII, on lit après « Boteroz " : Dunt JUDAS fu qui fel estoit et ors, et enfin le ms. de Paris nous offre la leçon « Butençor » et ajouté : JUDAS i fu qui traï Deu. Ce rapprochement est significatif. = De ce mot Butentrot qui, suivant M. Paul Meyer, ne peut guère avoir été inséré dans notre texte avant la première croisade, faut-il conclure que notre Roland " soit postérieur au temps où les premiers récits de la marche de