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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/426

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VI. APRÈS L’ESPAGNE. DERNIÈRES ANNÉES ET MORT DE CHARLEMAGNE.

Deux poèmes, qui sont œuvre purement littéraire et personnelle, Gaydon et Anseïs de Carthage, achèvent de nous retracer l’histoire de la grande expédition d’Espagne. Dans la première de ces deux chansons, Gaydon, qui n’est autre que le Thierry de la plus ancienne de nos épopées, se fait en France le continuateur de Roland, et lutte contre la famille de Ganelon. C’est en vain que Charles se laisse entraîner dans un complot contre lui : il triomphe de l’Empereur lui-même, et se fait nommer grand sénéchal de France. (Gaydon, poème du commencement du XIIIe siècle, éd. S. Luce.)

    honteuses débauches. Ganelon les trompe, les endort, et voici que l’arrière-garde de Charles est soudain attaquée par les Sarrasins que Marsile et Baligant conduisent à ce carnage. Sauf Roland, Turpin, Baudouin et Thierry, tous les Français meurent. (Cap. xxi.) Avant de mourir, Roland a la joie de tuer le roi Marsile ; mais il expire lui-même, après avoir en vain essayé de briser sa Durendal (cap-XXII) et s’être rompu les veines du cou en sonnant de son cor d’ivoire. Charles l’entend du Val-Charlon, pendant que Thierry assiste à l’agonie et à la mort de Roland. (Cap. XXIII et XXIV.), Or, c’était le 17 mai, et Turpin chantait la messe, lorsqu’il vit soudain passer dans les airs les démons qui menaient en enfer l’âme de Marsile, et les anges qui conduisaient au paradis l’âme de Roland. Presque en même temps, Baudoum apporte à l’Empereur la nouvelle de la mort de son neveu. Désespoir de Charles, pleurs de tous les Français. (Cap. xxv.) Les chrétiens vont, sans plus de retard, relever leurs morts sur le champ de bataille de Roncevaux, dans le Val-Sizer. Comme en notre Chanson, Dieu arrêté le soleil pour permettre à Charles de se venger des Sarrasins, et le traître Ganelon, après un combat entre Pinabel et Thierry, est jugé, condamné, exécuté. (Cap. xxvi.) = Tous les documents littéraires du moyen âge où est racontée la mort de Roland, se divisent ici en deux grands groupes, selon qu’ils suivent notre Chanson ou le Faux Turpin. La Chronique latine se retrouve, plus ou moins arrangée, dans la Chronique du manuscrit de Tournay (commencement du XIIIe siècle) ; dans la Chronique saintongeaise (commencement du XIIIe siècle) ; dans Philippe Mousket (XIIIe siècle ; mais avec certains autres éléments empruntés à notre vieux poème et à ses Remaniements) ; dans les Chroniques de Saint-Denis ; dans le Roland anglais du XIIIe siècle ; dans le Charlemagne de Girard d’Amiens (XIVe siècle) ; dans la compilation allemande qui est connue sous le nom de Karl Meinet (xive siècle ; mais seulement en ce qui concerne les commencements de l’expédition d’Espagne) ; dans le Charlemagne et Anseïs, en prose (Bibl. de l’Arsenal, B. L. F. 214, xve siècle) ; dans la Conqueste du grant Charlemagne des Espagnes, qui est un remaniement du Fierabras (xve siècle) ; dans les Guerin de Montglave incunables, ; dans la Chronique du ms. 5003 (l’original est peut-être du XIVe siècle, et le ms, est du XVIe) ; dans la première partie des Conquestes de Charlemagne, de David Auhert (1458), etc. = Tout au contraire, notre vieux poème est la base du Ruolandes Liet, œuvre allemande du curé Conrad (vers 1150] ; (lu Stricker, qui, dans’ son Karl (1230), n’a guère fait que remanier le Ruolandes Liet, du plus ancien texte de Venise et des Remaniements français du XIIIe siècle, qui, sauf leur dénouement (où il faut voir une œuvre d’imagination), "ont calque le texte d’Oxford ; de la karlamagnus Saga (XIIIe siècle et de la Keiser Karl Magnus’s kronike (XVe siècle) ; de quatre fragments néerlandais publiés par M. Bormans (XIIIe-XIVe siècles) ; du Karl Meinet (XIVe siècle, en ce qui concerne la bataille de Roncevaux), et, un peu’ aussi, de la Chronique de Weihenstephan (XIVe-XVe siècles). = En dehors de ces deux grands groupes, nous ne trouvons, çà et là, que quelques traits originaux. La Kaiserscronik (XIIe siècle) nous fournit un récit de la guerre d’Espagne qui ne ressemble en rien à tous les autres : « Tous les chrétiens ayant été massacrés par les Sarrasins, Charles rassemble 53,066 jeunes filles dans le Val-Charlon, près des défilés de Sizer. Les païens tremblent et se soumettent. » (G. Paris, : Histoire poétique de Charlemagne, 271.) = En Italie, toute, la légende de la spagna a pour caractère d’être empruntée a ces trois sources : l’Entrée en