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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/427

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Quant à Anseis, c’est un poème encore plus moderne : on y crée un autre continuateur de Roland, mais en Espagne. On lui fait même décerner par Charles le titre de roi d’Espagne, et il passe sa vie à lutter contre les païens, dont il ne peut être décidément vainqueur sans le secours du grand empereur. (Anseïs de Carthage, XIIIe siècle, B. N., fr. 793.)

Mais désormais l’Espagne n’occupera plus Charlemagne, et c’est vers, un autre côté de son empire qu’il jette ses regards. Guiteclin (Witikind) vient d’entrer vainqueur dans Cologne ; les Saisnes menacent l’em pire chrétien. L’Empereur apprend ces tristes nouvelles, et en pleure. (Chanson des Saisnes, de Jean

    Espagne, de Nicolas de Padoue, avec une Prise de Pampelune, du même auteur (qui n’est pas arrivée jusqu’à nous), et, d’autre part (sans tenir compte de quelques traits de la Chronique de Turpin), une Chanson dé Roland semblable à celle du ms. fr. IV de Venise, et où l’on trouvait un récit poétique de la « Prise de Narbonne ». Cinq documents principaux nous offrent ce caractère : deux Spagna en vers (la Spagna proprement dite, composée entre les années 1350 et 1380, et la Rotta di Roscivalle, qui en est le remaniement, XVe s.), et trois Spagna en prose, postérieures à la Spagna « in rima », et qui ont entre elles de très intimes ressemblances (celle du ms. de la Bibliothèque Albani, découverte en 1830 par M. Ranke ; celle de la Bibliothèque Médicis, découverte par M. Raina, et celle enfin de la Bibliothèque de Pavie, le Viaggio in Espagna, que M. Ceruti a publiée en 1871. Le manuscrit Albani est du commencement du xvie siècle ; les deux autres sont du xve siècle. Tous ont les mêmes éléments et présentent le même caractère.) = En Espagne, la Cronica général d’Alfonse X (seconde moitié du XIIIe siècle), précédée par la Chronica Hispanioe de Rodrigue de Tolède (1247), présente sous un aspect tout différent la guerre de Roncevaux : Alfonse le Chaste régnait depuis trente ans. Menace par les Sarrasins. il appelle Charlemagne à son aide ; mais les Espagnols, ses sujets, se révoltent à la seule pensée qu’ils vont être secourus par des Français, et Alfonse est forcé de faire savoir à Charles… qu’il se passera de lui. Le roi de France, indigné, déclare tout aussitôt la guerre aux Espagnols. Plutôt que de céder aux Français abhorrés, ceux-ci sollicitent l’alliance de Marsile et dès païens, et c’est Bernard del Carpio qui conclut cette alliance. Accables par deux armées, ou plutôt par deux races, les Français sont vaincus, et Roland meurt. Il est vrai que Charles se vengea plus tard sur Marsile. Mais Bernard del Carpio fut le plus heureux. Réconcilié avec le grand empereur, il fut fait par lui rai d’Italie. (Chronica Hispanioe, IV cap. x et xi ; Cronica general, édit. de 1604, f° 30-32, Cf. la. Chronique antérieure " de Lucas de Tuy, etc.) = «L’Office de Charlemagne à Girone » (vers 1350) nous fournit une tout autre version… Au moment de franchir les Pyrénées, Charles a une belle vision : Notre-Dame, saint Jacques et saint André lui promettent la victoire ; mais à la condition qu’il bâtira dans Girone une belle église à la Vierge. Le grand empereur se met en devoir’d’obéir. Il bat les païens à Sent-Madir, et met le siège devant Girone. Une croix rouge resté durant quatre heures au-dessus de la mosquée ; il pleut du sang ; les miracles abondent. = Les Romances espagnoles sont les unes françaises, les autres espagnoles d’inspiration. Dans la Romance : C’était le Dimanche des Rameaux, on voit fuir le roi Marcim devant Roland, avec des pleurs et des imprécations lamentables. Dans la romance Dona Aida, on assiste à un songe de la belle Aude, et cet épisode est à peu près semblable à la donnée de nos rifacimenti. (Cf. De Puymaigre, les Vieux Auteurs castillans, II, 325.) Dans une autre romance, Roland meurt de douleur sur le champ de bataille, à la seule vue de la tristesse et de l’isolement de Charlemagne. (Études religieuses des Pères jésuites VIII, 41.) D’autres enfin célèbrent à l’envi leur Bernard del Carpio. au préjudice de notre Rolland. (Primavera, I. 26-47) Cf., sur l’histoire de la légende rolandienne en Espagne, l’admirable livre de Mila y Fontanais, De la Poesia heroïco-popular castellana. Barcelone, 1874, in-S° = Et tel est le résume de toutes les œuvres poétiques que le moyen âge a consacrées à la guerre d’Espagne et à la mort de notre héros.