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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/61

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Qui sert Mahomet et prie Apollon ;
Mais le malheur va l’atteindre : il ne s’en peut garder.Aoi.


II


10Le roi Marsile était à Saragosse.
Il est allé dans un verger, à l’ombre ;
Sur un perron de marbre bleu se couche :
Autour de lui sont plus de vingt mille hommes.
Il adresse alors la parole à ses ducs, à ses comtes :
15« Oyez, seigneurs, » dit-il, « le mal qui nous accable :
« Charles, l’empereur de France la douce,
« Pour nous confondre est venu dans ce pays.
" Plus n’ai d’armée pour lui livrer bataille,
« Plus n’ai de gent pour disperser la sienne.
20« Comme mes hommes sages, donnez-moi un conseil,
« Et préservez-moi de la mort, de la honte. »

gique (seculorum amen), et plus tard « au saxon abeg ou à l’anglais away, exclamation du jongleur pour avertir le ménétrier que le couplet finit. » M. Alex, de Saint-Albin traduit AOI par " Dieu nous aide » et y voit (!) le verbe «adjuder » ; mais on ne trouve, dans la Chanson, que les formes ait et. aiut venant du subjonctif adjuvet. Une troisième opinion de M. Michel vaut mieux que les deux premières : « AOI, suivant lui, serait un neume. » Les neumes sont, comme on le sait, la notation musicale qui a précédé la notation sur portée ou notation guidonienne. Mais cette théorie n’est appuyée d’aucune preuve. Le mot AOI ne peut, suivant nous, être expliqué que comme une interjection analogue à notre ohé ! Ahoy est encore en usage dans la marine anglaise, où l’on dit : « Boat ahoy, » comme nous disons : « Ho ! du canot !»

14. Dux e cuntes. Nos poètes, qui n’avaient aucune connaissance réelle des institutions des peuples musulmans, et qui, d’ailleurs, n’avaient pas le moindre sentiment de la couleur locale,

prêtent aux infidèles la même organisation politique qu’aux chrétiens. Ils leur attribuent les mêmes lois, les mêmes usages, les mêmes costumes, etc. 16. France dulce. Voilà bien l’épithète dite « homérique », qui est le résultat d’une constatation une fois faite, mais que l’on généralise et que l’on applique universellement. « Alors même qu’Achille serait blessé ou paralysé, Homère l’appellerait encore Achille aux pieds légers ». Il en est ainsi dans nos Chansons de geste où fleurit l’épithète épique. La fiancée de Roland y est toujours appelée « Aude au vis cler » ; la France y est toujours « France la douce » ; Charles "l’emperere magnes» ; toutes les villes sont qualifiées «fort cité » ou " cité antie » ; tous les héros ont la « chière hardie », etc. Ce n’est pas d’ailleurs le seul procédé homérique qu’on puisse constater dans nos anciens poèmes. On y trouve également les longs discours des ambassadeurs ou des combattants, les répétitions littéraires d’un certain nombre de vers, les descriptions d’armures, etc. Cependant nos trouvères ne connaissaient