Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
CONSTANTINOPLE.

les flancs contre la pression de l’eau ; un bec de fer arme la proue.

Toute cette installation est en bois de hêtre ciré ou verni, et relevé parfois de quelques filets de dorure, d’une propreté et d’une élégance extrêmes. Les caïdjis, qui manient chacun une paire de rames renflées près de la poignée pour faire contre-poids, s’assoient sur une petite banquette transversale garnie d’une peau de mouton, afin qu’ils ne glissent pas en tirant l’aviron, et leurs pieds s’appuient contre un tasseau de bois.

Les passagers s’accroupissent au fond de la barque, du côté de la poupe, de manière à faire lever un peu le nez à la proue, ce qui rend la nage plus facile : on pousse même la précaution jusqu’à graisser l’extérieur de la barque, pour que l’eau n’y adhère pas. Un tapis plus ou moins précieux garnit l’arrière du caïque, où il est nécessaire de garder la plus complète immobilité, car le moindre mouvement un peu brusque ferait chavirer l’embarcation, ou tout au moins se heurter les poignets des caïdjis, qui rament une main sur l’autre. Le caïque est sensible comme une balance, et il incline à droite ou à gauche au moindre oubli de l’équilibre ; la gravité des Turcs, qui ne bougent non plus que des idoles, s’accommode merveilleusement de cette contrainte, pénible d’abord aux pétulants giaours, mais dont on prend bientôt l’habitude.

On peut tenir quatre, en se faisant face, dans un caïque à deux rames. Malgré l’ardeur du soleil, ces barques n’ont pas de tendelet, ce qui retarderait la marche et serait contraire à l’étiquette turque, le tendelet étant réservé aux caïques du sultan ; mais l’on emporte un parasol, sauf à le fermer lorsqu’on passe trop près des résidences impériales. Une pareille embarcation suit un cheval lancé au grand trot sur la rive, et quelquefois même le dépasse.