Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LES BAZARS.

Vous continuez votre route à travers le martelage assourdissant des chaudronniers et les grasses exhalaisons des gargotes qui étalent sur leur devanture des jattes pleines de ratatouilles turques peu appétissantes pour un estomac parisien, et vous atteignez le grand Bazar, dont l’aspect extérieur n’a rien de monumental : ce sont de hautes murailles grisâtres que surmontent de petits dômes de plomb semblables à des verrues, et auxquelles s’accrochent une foule de bouges et d’échoppes occupés par d’infimes industries.

Le grand Bazar, pour lui conserver le nom que les Francs lui donnent, couvre un immense espace de terrain, et forme comme une ville dans la ville, avec ses rues, ses ruelles, ses passages, ses carrefours, ses places, ses fontaines, inextricable labyrinthe où l’on a de la peine à se retrouver, même après plusieurs visites. Ce vaste espace est voûté, et le jour y tombe de ces petites coupoles dont j’ai parlé tout à l’heure, et qui mamelonnent le toit plat de l’édifice, jour doux, vague et louche, plus favorable au marchand qu’à l’acheteur. Je ne voudrais pas détruire l’idée de magnificence orientale que soulève ce mot : Bezestin de Constantinople, mais je ne saurais mieux comparer le bazar turc qu’au Temple de Paris, auquel il ressemble beaucoup comme disposition.

J’entrai par une arcade sans caractère architectural, et je me trouvai dans une ruelle particulièrement affectée aux parfumeurs : c’est là que se débitent les essences de bergamote et de jasmin, les flacons d’atar-gull dans des étuis de velours bordé à paillettes, l’eau de rose, les pâtes épilatoires, les pastilles du sérail gaufrées de caractères turcs, les sachets de musc, les chapelets de jade, d’ambre, de coco, d’ivoire, de noyaux de fruit, de bois de rose et de santal, les miroirs persans encadrés de fines peintures, les peignes