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XIV

KARAGHEUZ


J’ai peur vraiment, à parler toujours de cimetières, d’avoir l’air d’écrire les impressions de voyage d’un croque-mort ; mais ce n’est pas ma faute : mon intention n’a aujourd’hui rien de lugubre. Je voulais vous mener voir Karagheuz, le polichinelle turc ; et, pour arriver à sa baraque, il faut traverser le grand Champ-des-Morts de Péra : qu’y faire ? Ce n’est pourtant pas un personnage mélancolique que cette ombre chinoise logée entre deux tombes.

Quand on a suivi jusqu’au bout la longue rue de Péra, on arrive à une fontaine ombragée par un bouquet de platanes, près de laquelle stationnent des loueurs de chevaux qui vous offrent leurs bêtes en criant : Tchelebi, signor, monsou, selon qu’ils sont plus ou moins polyglottes ; des talikas et des arabas attendant la pratique ; des vendeurs de sorbets, d’eau jaunâtre, de mûres blanches, de concombres, de gâteaux et de confiseries grossières, toujours entourés d’une nombreuse clientèle.