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CONSTANTINOPLE.

turque n’en est pas moins murée hermétiquement, et il est très-difficile de savoir ce qui se passe derrière ces fenêtres finement treillissées, où sont pratiques des œils-de-bœuf comme aux toiles de théâtre, pour regarder du dedans au dehors.

Il ne faut pas penser à se procurer des renseignements auprès des naturels du pays. Comme dit Alfred de Musset au début de Namouna :

Un silence parfait règne dans cette histoire.

Parler à un Turc de ses femmes est commettre la plus grossière inconvenance ; on ne doit jamais faire la moindre allusion, même détournée, à ce sujet délicat. — Ainsi se trouvent bannies de la conversation ces phrases banales : « Comment se porte madame ? » et autres du même goût ; l’Osmanli le plus farouchement barbu rougirait comme une jeune fille s’il entendait une pareille énormité. — La femme de l’ambassadeur de France, ayant voulu faire présent à Reschid-Pacha de quelques belles soieries de Lyon pour son harem, les lui remit en disant : « Voici des étoffes dont vous saurez, mieux que personne, trouver l’emploi. » — Exprimer plus nettement l’intention du cadeau eût été une incongruité, même aux yeux de Reschid, habitué aux mœurs françaises, et le tact exquis de la marquise lui fit choisir une forme gracieusement vague qui ne pouvait blesser en rien la susceptibilité orientale.

On comprend, d’après des idées pareilles, qu’on serait mal venu à demander à un Turc des détails sur la vie intime du harem, sur le caractère et les mœurs des femmes musulmanes ; l’eussiez-vous connu familièrement à Paris, eût-il pris deux cents tasses de café et fumé autant de pipes sur le même divan que vous, il balbutiera, répondra d’une ma-