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BAIN TURC.

de tellacks, d’étuvistes, rappelant les strigillaires, les malaxeurs et les aliptes de Rome et de Byzance.

Une grande salle ouvrant sur la rue et fermée par un pan de tapisserie reçoit d’abord le client. — Près de la porte, le maître du bain se tient accroupi entre une caisse renfermant la recette et un bahut où il serre l’argent, les bijoux et autres objets précieux qu’on dépose en entrant et dont il répond. Autour de cette salle, d’une température à peu près égale à celle du dehors, règnent deux espèces de galeries superposées garnies de lits de camp ; une fontaine darde son filet d’eau grésillant sur une double vasque au milieu du pavé de marbre miroitant d’eau. Autour de la fontaine sont rangés quelques pots de basilic, de menthe et autres plantes odoriférantes, dont les Turcs aiment beaucoup le parfum.

Des linges bleus, blancs, rayés de rose, sèchent sur des cordes ou pendent au plafond comme les drapeaux et les bannières à la voûte de Westminster ou des Invalides.

Dans les lits furent, boivent du café, prennent des sherbets, ou dorment enveloppés jusqu’au menton comme des enfants au maillot les baigneurs attendant qu’ils ne soient plus en transpiration pour reprendre leurs habits.

On me fit monter à la seconde galerie par un petit escalier de bois ; on m’indiqua un lit ; et, lorsque je fus débarrassé de mes vêtements, deux tellaks m’entortillèrent autour de la tête une serviette blanche en forme de turban et me revêtirent des reins aux chevilles d’une pièce de Guinée bridant comme le pagne des statues égyptiennes. Au bas de l’escalier, je trouvai une paire de patins de bois dans lesquels j’entrai mes pieds ; et, mes tellacks me soutenant par l’aisselle, je passai de la première pièce dans la seconde, chauffée à une température plus élevée ; on m’y laissa quelques minutes pour habituer mes poumons à l’atmo-