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LES MOSQUÉES.

Les statues ont été enlevées. — L’autel, fait d’un métal inconnu, résultant comme l’airain de Corinthe d’or, d’argent, de bronze, de fer et de pierres précieuses en fusion, est remplacé par une dalle de marbre rouge, indiquant la direction de la Mecque. Au-dessus pend un vieux tapis tout usé, guenille poussiéreuse qui a pour les Turcs ce mérite d’être un des quatre tapis sur lesquels Mahomet s’agenouillait pour faire sa prière.

D’immenses disques verts, donnés par différents sultans, sont appendus aux murailles et font reluire des surates du Koran ou des maximes pieuses écrites en énormes lettres d’or. — Un cartouche de porphyre contient les noms d’Allah, de Mahomet et des quatre premiers califes, Abu-Bekr, Omar, Osman et Ali. La chaire (nimbar) où le khetib se place pour réciter le Koran, est adossée à un des piliers qui surportent l’abside. On parvient par un escalier assez roide côtoyé de deux balustrades découpées à jour et d’un travail aussi précieux que celui de la plus fine guipure. Le khetib n’y monte que le livre de la loi d’une main et le sabre de l’autre, comme dans une mosquée conquise.

Des cordons, où pendent des houppes de soie et des œufs d’autruche, descendent des voûtes jusqu’à dix ou douze pieds du sol, soutenant des cercles de fils de fer, garnis de veilleuses, de manière à former lustre. Des pupitres croisés en X, pareils à ceux dont nous nous servons pour feuilleter les recueils de gravures, sont dispersés çà et là et soutiennent les manuscrits du Koran ; plusieurs sont ornés d’élégantes nielles et de délicates incrustations de nacre, de cuivre et de burgau. — Des nattes de jonc l’été, des tapis l’hiver, recouvrent le pavé formé de dalles de marbre, dont les veines ajustées avec art semblent couler, comme trois fleuves aux ondes figées, à travers l’édifice. — Ces nattes présentent une particularité singulière : elles sont