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LE SÉRAIL.

celui des Turcs de Molière et de Racine, plus exacts en cela qu’on ne pense.

La bibliothèque visitée, on nous introduisit dans un kiosque de style arabe, précédé d’un perron à rampes de marbre où reluisait avec tout son éclat l’ancienne magnificence orientale, dont, comme on a pu le voir, les appartements déjà parcourus n’offrent aucune trace.

La plus grande partie de la pièce est occupée par un trône en forme de divan ou de lit, avec un baldaquin soutenu par des colonnettes hexagones de cuivre doré semées de grenats, de turquoises, d’améthystes, de topazes, d’émeraudes et autres pierres à l’état de cabochons, car autrefois les Turcs ne taillaient pas les pierreries ; des queues de cheval pendent aux quatre coins de grosses boules d’or surmontées de croissants. Rien n’est plus riche, plus élégant et plus royal que ce trône vraiment fait pour asseoir des califes.

Les barbares seuls ont le secret de ces orfèvreries merveilleuses, et le sens de l’ornement semble se perdre, on ne sait pourquoi, à mesure que la civilisation se perfectionne. Sans tomber dans les manies d’antiquaire, il faut avouer que plus une architecture, une joaillerie, une arme, datent d’une époque reculée, plus le goût en est parfait et le travail exquis : préoccupé de la pensée, le monde moderne n’a plus la notion juste de la forme.

Quelques paillettes de lumière tombant d’une fenêtre entrouverte faisaient étinceler les ciselures et jeter des feux aux pierreries. Des carreaux de faïence arabe dessinaient des symétries et miroitaient au bas des murs, comme dans les salles de l’Alhambra, à Grenade ; au plafond s’entrecroisaient des baguettes de vermeil curieusement ciselées, formant des caissons et des rosaces. — Dans un coin, à travers l’ombre, brillait une bizarre cheminée turque faite en forme de niche et destinée à recevoir un brasero ; une espèce