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CONSTANTINOPLE.

de petit dôme conique à sept pans, en cuivre, découpé, fenestré comme une truelle à poissons, niellé des plus élégants dessins de l’art arabe, lui sert de manteau. Certaines châsses gothiques peuvent seules donner l’idée de ce charmant travail.

En face du divan s’ouvre une fenêtre ou plutôt une lucarne garnie d’une épaisse grille à barreaux dorés. C’est en dehors de cette espèce de guichet qu’autrefois se tenaient les ambassadeurs, dont les phrases étaient transmises par des intermédiaires au padischa, accroupi, dans une immobilité d’idole, sous son dais de vermeil et de pierreries, entre ses deux turbans symboliques. À peine pouvaient-ils voir, à travers le réseau d’or, briller, comme des étoiles au fond de l’ombre, les prunelles fixes du magnifique sultan ; mais c’était bien assez pour des giaours : l’ombre de Dieu ne devait pas se découvrir davantage à des chiens de chrétiens.

L’extérieur n’est pas moins remarquable. Un grand toit à saillie fortement projetée coiffe l’édifice, des colonnes de marbre soutiennent des arcades à nervures et des rosaces ; une dalle de vert antique, historiée d’une inscription arabe, forme le seuil de la porte, dont le linteau est très-bas : disposition architecturale prise, dit-on, pour faire baisser la tête aux vassaux et aux tributaires récalcitrants admis en présence du Grand Seigneur, escobarderie d’étiquette assez jésuitique, et qu’éluda bouffonnement un envoyé de Perse, en entrant à reculons, comme on fait dans les gondoles de Venise.

Dans la description du Beïram, j’ai parlé assez longuement du portique sous lequel a lieu cette cérémonie, pour ne pas avoir à y revenir, et je continuerai ma promenade un peu au hasard, mentionnant les choses comme elles se présentent. Il serait difficile de rendre compte avec régularité de bâtiments d’époque et de style divers, élevés sans