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L’ATMEÏDAN.

sur les attiques et les piédestaux. Ce n’était que marbre et que bronze. Les chevaux de Lysippe, les statues de l’empereur Auguste et d’autres empereurs, Diane, Junon Pallas, Hélène, Pâris, Hercule, ces majestés suprêmes, ces beautés surhumaines, tout ce grand art de la Grèce et de Rome, semblaient avoir cherché là un dernier refuge. — Les chevaux en métal de Corinthe, emportés par les Vénitiens, piaffent sur la porte de Saint-Marc ; les images des dieux et des déesses, barbarement fondues, se sont éparpillées en pièces de billon.

L’obélisque de Théodose est le mieux conservé des trois monuments restés debout dans l’Hippodrome. Il consiste en un monolithe de granit rose de Syène de soixante pieds de hauteur, à peu près, sur six de large, qui va s’amincissant jusqu’au pyramidion. Une seule ligne perpendiculaire d’hiéroglyphes nettement incisées sillonne ses quatre faces. — Comme je ne suis pas Champollion, je ne pourrai vous dire ce que signifient ces mystérieux emblèmes, — sans doute une dédicace à un pharaon quelconque. D’où vient ce bloc énorme ? d’Héliopolis, disent les savants. Mais il ne nous semble pas remonter à la plus haute antiquité égyptienne. Peut-être n’a-t-il que trois mille ans, ce qui est bien jeune pour un obélisque. Aussi, à peine quelques teintes grises noircissent-elles son granit vermeil.

Le monolithe ne porte pas directement sur son piédestal, dont il est séparé par quatre dés de bronze. Ce socle de marbre est revêtu de bas-reliefs assez barbares et assez frustes, qui ne laissent que difficilement deviner les sujets qu’ils représentent, — des triomphes ou des divinisations de Théodose et de sa famille. — La roideur des attitudes, le mauvais dessin et le manque d’expression des figures, l’entassement des personnages sans plan ni perspective, caractérisent une époque de décadence. Le souvenir de la Grèce