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CONSTANTINOPLE.

Cette réalité grossière, différente de celle de l’art, inquiète par l’illusion même qu’elle produit ; en cherchant la transition de la statue à l’être vivant, on a rencontré le cadavre ; ces visages enluminés, où nul muscle ne tressaille, finissent par faire peur comme ces morts fardés qu’on emporte à face découverte. Aussi comprenons-nous très-bien la terreur que les masques inspirent aux enfants. Ces longues files de personnages bizarres, gardant les poses roides et contraintes qu’on leur a données, ressemblent à ce peuple pétrifié par la vengeance d’un magicien dont parle un conte oriental. Il n’y manque que le grand vieillard à barbe blanche, seul vivant de la cité morte, lisant le Koran sur un banc de pierre à l’entrée de la ville. Il sera figuré, si vous voulez, d’une manière prosaïque, il est vrai, par l’homme qui perçoit a la porte le prix des billets.

Nous ne pouvons décrire une à une les cent quarante figures enfermées dans les vitrines des deux étages, dont plusieurs ne diffèrent entre elles que par d’imperceptibles détails de coupe ou de couleur, et il faudrait pour cela hérisser notre texte d’une foule de mots turcs d’une orthographe rébarbative et d’une lecture difficile, Ce travail, du reste, a été fait d’une manière aussi exacte que brillante par M. Georges Noguès, fils du rédacteur en chef du journal français de Constantinople, et avec un soin que n’y peut mettre un voyageur forcé de voir rapidement. Sa notice nous a servi pour poser les noms sur des personnages que nos yeux seuls se rappelaient, et nous lui rendons ici la justice qui lui est due. Cet hommage nous permet de lui emprunter avec moins de scrupule quelques détails oubliés.

L’Elbicei-Atika se compose principalement des costumes de l’ancienne maison du Grand Seigneur et des différents uniformes des janissaires. Il y a aussi quelques mannequins d’artisans habillés à la vieille mode, mais en petit nombre.