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CONSTANTINOPLE.

sement de ferrailles, dans une cour inondée de soleil. On nous fit voir au fond de la chapelle, moyennant un bacchich de quelques piastres, de mauvaises images à fond d’or et à figures brunes, comme on en fabrique au mont Athos, sur des patrons byzantins, à l’usage du culte grec ; la Panagia y montrait, suivant l’usage, sa tête et ses mains bistrées, à travers les découpures d’une plaque d’argent ou de vermeil, et l’enfant Jésus apparaissait en négrillon dans son nimbe trilobé. Saint Georges, patron du lieu, écrasait le dragon dans l’attitude consacrée.

La situation de ce couvent est admirable : il occupe la plate-forme d’un soubassement de rochers, et du haut de ses terrasses, la rêverie peut plonger dans deux azurs sans limites, celui du ciel et celui de la mer. À côté du couvent, des excavations voûtées, à demi effondrées, montrent qu’il couvrait jadis un emplacement plus vaste et d’une architecture antérieure.

Nous revînmes par une autre route plus sauvage, parmi des touffes de myrtes, des bouquets de térébinthes et de pins qui poussent naturellement, et que les habitants coupent pour faire du bois de chauffage, et nous arrivâmes à l’auberge, à la grande satisfaction de nos ânes, qui avaient besoin d’être talonnés et bâtonnés vigoureusement pour ne pas s’endormir en route, car nous avions commis cette faute de ne pas emmener l’ânier, personnage indispensable dans une caravane de ce genre, les ânes orientaux méprisant beaucoup les bourgeois et ne s’émouvant nullement de leurs gourmades.

Au bout de quatre ou cinq jours, suffisamment édifié sur les délices de Prinkipo, je partis pour faire une excursion sur le Bosphore, depuis la pointe de Seraï jusqu’à l’entrée de la mer Noire.