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LE BOSPHORE.

tent déjà à une certaine date. Les vieilles coutumes disparaissent et ne seront bientôt plus que des souvenirs.

Il y avait déjà soixante-douze jours que je me promenais dans Constantinople, et j’en connaissais tous les coins et recoins. Sans doute c’est peu pour étudier le caractère et les mœurs d’un peuple, mais c’est assez pour saisir la physionomie pittoresque d’une ville, et tel était le but unique de mon voyage. — La vie est murée en Orient, les préjugés religieux et les habitudes s’opposent à ce qu’on y pénètre. Le langage reste impraticable, à moins d’une étude de sept ou huit années ; on est donc forcé de se contenter du panorama extérieur. — Un séjour allongé de quelques semaines ne m’en eût pas appris davantage, et d’ailleurs je commençais à avoir soif de tableaux, de statues et d’œuvres d’art L’éternel bal masqué des rues finissait par m’impatienter. J’avais assez de voiles, je voulais voir des visages.

Ce mystère, qui d’abord occupe l’imagination, devient fatigant à la longue, lorsqu’on a reconnu qu’il n’y a pas d’espoir de le deviner. — L’on y renonce bientôt, l’on ne jette plus qu’un regard distrait sur les fantômes qui défilent près de vous, et, l’ennui vous gagne d’autant plus vite, que la société franque de Péra, composée de négociants très-respectables sans doute, n’est pas amusante pour un poëte. Aussi allai-je retenir ma cabine à bord du vaisseau autrichien l’Imperatore, pour aller à Athènes, par la correspondance de Syra, visiter Corinthe, le golfe de Lépante, Patras, Corfou, les monts de la Chimère et gagner Trieste, en longeant les côtes de l’Adriatique.

Je voyais déjà briller en rêve sur le roc de l’Acropole la blanche colonnade du Parthénon avec ses interstices d’azur, et les minarets de Sainte-Sophie ne me faisaient plus aucun plaisir. Mon esprit, tourné vers un autre but, n’était pas impressionné par les objets environnants. Je partis, et, quoi-